Parfumerie : « Les fêtes de Noël et du Nouvel An ne sauveront pas 2020 » – Mathilde Lion, The NPD Group.
Publié le par Journal du Luxe
Comment le secteur du parfum a-t-il vécu l’année 2020 ? Mathilde Lion, Industry Analyst et Director of Beauty Europe pour The NPD Group, dresse le bilan des ventes en parfumeries et grands magasins.
Journal du Luxe : Comment le secteur de la parfumerie a-t-il été affecté par la crise du Covid-19 ?
Mathilde Lion : Le secteur a été durement touché. Les parfumeries et grands magasins n’ont pas été considérés comme des essentiels et ont donc été fermés pendant plusieurs mois cette année. Lors des déconfinements, les consommateurs sont revenus lentement, il y a eu des phénomènes de reprise mais nous ne pouvons considérer cela comme un rattrapage. Globalement, depuis le début de l’année et jusqu’à fin-octobre en France, le marché a perdu 18% en valeur, comparé à la même période en 2019.
On retrouve cette année une nette différence entre les magasins physiques et le e-commerce puisque les ventes en boutiques ont diminué de -23% là où la croissance des e-shops a augmenté de +41%. Ceci dit, comparé à d’autres secteurs, le circuit internet reste assez faible sur la parfumerie et n’a pas permis de compenser les pertes de la vente physique. Ce que nous pouvons en tirer, c’est que l’écosystème du parfum dépend principalement de la vente en magasin de part la spécificité du produit.
JDL : Est-ce que la crise a touché de la même façon les différents segments du marché de la parfumerie ?
Mathilde Lion : Il n’y a pas de différence flagrante entre les segments, l’ensemble est assez transversal. Les parfums masculins résistent le mieux avec une chute de -16% en comparaison avec les parfums féminins, à -19%. Nous pouvons également observer un effet prix : depuis plusieurs années, les concentrations un peu plus fortes, notamment chez les masculins, progressaient plus rapidement. Cette année, ce sont les eaux de toilette qui ont mieux résisté. Ce qui est sûr, c’est que les marques classiques s’en sortent mieux que les autres. Les clients qui se sont tournés vers internet ont préféré aller vers des parfums emblématiques.
JDL : Comment se sont passés les lancements de parfums cette année ?
Mathilde Lion : Le marché est beaucoup moins animé, avec quasiment 150 lancements de moins que l’année dernière. Beaucoup ont été remis à 2021, voire 2022. Le lancement qui a le plus fonctionné est « Irrésistible » de Givenchy. Ensuite, nous retrouvons plutôt des flankers comme « La Vie est Belle Intensément » de Lancôme et « Miss Dior Rose N’Roses ». Il faut tout de même noter que ces lancements se sont opérés plus tôt dans l’année. Sur la rentrée de septembre, « My Way » de Giorgio Armani a bien fonctionné, tout comme « Voce Viva » de Valentino.
JDL : Quelles sont vos prévisions pour le secteur en 2021 ?
Mathilde Lion : Il est très difficile de se positionner dans la mesure où la situation change très vite et dépend d’une multitude de facteurs. Par définition, s’il n’y a pas un nouveau confinement, nous devrions renouer avec la croissance en comparaison avec une année 2020 faible, et non par rapport aux niveaux de ventes de 2019. Cependant, il est certain que le secteur de la parfumerie finira l’année avec une décroissance à deux chiffres : les fêtes de Noël et du Nouvel An ne sauveront pas 2020.
JDL : Nous parlons beaucoup d’une nouvelle appétence pour le marché chinois dans la parfumerie. Cette tendance se confirme-t-elle ?
Mathilde Lion : La Chine est l’un des seuls pays qui ne souffre pas de la crise et montre des croissances très fortes sur le secteur de la beauté. C’est un terrain de conquête pour les marques de soin et de maquillage. Les chinois, historiquement, sont moins consommateurs de parfums mais, petit à petit, cette tendance est en train de changer : ce marché a effectivement beaucoup de potentiel.