Dior, Buccellati… Pourquoi les Maisons misent-elles sur les influenceuses virtuelles ?

Publié le par Journal du Luxe

Début août, Dior nommait sa nouvelle ambassadrice Beauté.
Des traits lisses, des yeux immenses, une chevelure lustrée… le tout 100 % virtuel.
Créée il y a six mois par l’agence allemande Opium, l’avatar Noonoouri a conquis la Maison qui avait déjà fait appel à elle au moment de son défilé Croisière 2019 : l’influenceuse avait alors piloté le compte Instagram de la marque.

Buccellati, Opening Ceremony, Fenty Beauty ou encore Louis Vuitton… Pourquoi les marques font-elles appel à ces néo-célébrités pixelisées ?

Vers une nouvelle incarnation de marque

noonoouri dolce gabbana

 

Elles s’appellent Noonoouri mais aussi Lil Miquela, Shudu Gram, Bermuda… Ces nouveaux modèles flirtent avec le million d’abonnés et brouillent les pistes du virtuel et du réel, n’hésitant pas à poser dans des environnements bien concrets et à côtoyer des personnalités de chair et de sang.

En mélangeant les genres, ces influenceuses définissent un espace-temps bien à elles, floutant les codes de l’identification. Car s’il est possible de se retrouver dans les sphères dans lesquelles elles évoluent ou dans les tenues qu’elles portent, il est en revanche moins aisé de s’identifier aux traits de Noonoouri – qui empruntent plus au manga qu’à l’humain – ou de Bermuda, aux (assurément) faux airs de Sims.

Et même si les créateurs de Lil Miquela – avec ses tâches de rousseurs – et de Shudu Gram se sont appliqués à faire ressembler ces créatures au commun des mortels, leur force tiendrait plus à la projection qu’à l’identification pure. Une nuance intéressante pour les marques puisqu’elle permet de redéfinir l’incarnation.

Un nouvel outil de storytelling au service des Maisons

Car si l’on dit souvent qu’une marque cherche à s’humaniser – par ses égéries, ses équipes, ses valeurs -, ferait-elle trois pas en arrière en s’offrant les services de ces personnalités virtuelles ? Pas si sûr.

Même fait de pixels et d’intelligence artificielle, le visage de ces nouvelles ambassadrices reste une toile sur laquelle projeter son aura de marque. Une surface à la fois neutre mais suffisamment storytellée pour ne pas susciter l’ennui et évoquer des sentiments, eux, bien réels.

Car si l’intelligence artificielle est capable de faire naitre des visages, il peut aussi faire naitre des voix, elles-mêmes savamment marketées. Lil Miquela, par exemple, vit à Los Angeles, a 19 ans, des amis, des amours, des passions, des conflits… Elle serait même dotée de parole avec la sortie de son single, Not Mine, qui a dépassé le million d’écoutes sur Spotify.

Fait notable, les influenceuses digitales ont tendance à soutenir des causes comme Black Lives Matter ou les programmes UNICEF. Après tout, quoi de plus humain que l’engagement ?

L’Avatar, une nouvelle donne commerciale

Dans les schémas classiques, les Maisons choisissent les influenceuses pour leur personnalité, celle là même qui servira, potentiellement, une mission publicitaire.

Avec ces avatars, les rôles s’inversent : c’est en s’associant à telle produit ou à tel service que Noonoouri et ses consœurs gagneront les galons de leur « personnalité ». Les mentions spécifiques de collaborations sont d’ailleurs ici bien plus opaques que la normale.

Choisir une influenceuse virtuelle, c’est aussi choisir un scénario établi à l’avance. C’est la garantie d’un storytelling qui ne déborde pas, personnalisable à l’infini : le « oui » ou le « non » n’est plus du ressort de l’ambassadrice mais de l’agence qui l’anime.

Et demain ?

Si la tendance des Avatars permet aujourd’hui de se démarquer dans le grand bain de l’influence digitale, il y a matière à penser que les collaborations ne devraient pas s’établir sur le long terme.

Nées dans des environnements digitaux – par essence en perpétuel mouvement – ces influenceuses sont avant tout des êtres promotionnels. Elles ont ainsi tendance à incarner une marque après l’autre et ce, sans attaches , sans affect et donc, sans crédibilité. Un petit jeu qui pourrait bien lasser leur audience.

par Journal du Luxe