Elisabeth Soulié

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« Gen Z et Luxe : sur quelles valeurs s’appuyer pour développer sa stratégie relationnelle ? » Elisabeth Soulié, anthropologue, spécialiste de la Gen Z.

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Elisabeth Soulié est anthropologue, spécialiste de la Gen Z. Elle a notamment écrit "La Gen Z aux rayons X" aux Éditions du Cerf. Elle nous partage sa vision des valeurs qui motivent la Gen Z et comment les Maisons de Luxe doivent, selon elle, s’adapter.

En effet, la Gen Z est la première génération à être née avec le numérique : "Cela impacte donc inévitablement leur façon de penser et donc leur rapport à soi et au monde. Le digital a bousculé également le lien au temps ou encore à l'autorité", constate Elisabeth Soulié. Les autres ruptures anthropologiques étant celle du passage de l’oralité à l’écrit puis de l’invention de l’imprimerie à la Renaissance.  

Quelles sont aujourd’hui les valeurs qui animent la gen Z ?

Pour bien comprendre cette génération née à partir des années 1995/2000, il est essentiel de bien comprendre que la Gen Z se caractérise aujourd’hui par trois valeurs fondamentales. Elle est :  

  • Nomade : tant physiquement qu’intellectuellement puisqu’elle refuse les binarités et se joue des frontières, que ce soit entre monde physique et digital, entre fast and low fashion ou encore entre féminin et masculin. Place à un certain continuum et une évidente fluidité dans tout ce qui est vécu au quotidien.
  • Tribale : où tout se vit désormais en groupe et non de façon isolée, que ce soit avec sa famille, ses amis ou encore une ou des communautés affinitaires. On partage, on échange, on like… C’est une culture du feedback et de la recommandation qui s’est imposée.
  • Affective : dans cette même logique de continuité, la Gen Z s’attache particulièrement à créer du lien, que ce soit avec d’autres personnes mais aussi les marques par exemple. Elle vit à travers ses sens et ses émotions, ce qui la met en quête d’expériences toujours renouvelées et singulières. 

Journal du Luxe

On dit souvent que la Gen Z est en quête d’expériences, que ce soit de façon personnelle ou professionnelle, vous confirmez ?

Elisabeth Soulié

En effet, aujourd’hui tout est testé, vécu, expérimenté… c’est ce qui va lui permettre de savoir comment elle se sent vis-à-vis d’une expérience, et donc si elle décide de poursuivre ou non. C’est intimement lié aux notions de bien-être, de plaisir et d’épanouissement, d’où une fidélité certes, mais qui doit être désormais conjuguée au pluriel avec des "fidélités successives". On reste alors dans une expérience - couple, poste professionnel… -  tant que l’on se sent bien et que cela n’entre pas en dissonance avec ses propres valeurs sinon on hésite moins désormais à partir.

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C’est donc un nouveau rapport au temps qui s'installe ?

Elisabeth Soulié

Tout à fait ! Le monde d’aujourd’hui est plus complexe et change vite. Cela nécessite une capacité d’adaptation permanente. Cela a aussi pour conséquence pour la Gen Z d’être plus ancrée dans l’instant présent et avec une plus grande difficulté à se projeter dans le futur. S’engager sur le long terme est donc plus inquiétant car moins prévisible. On privilégie désormais le "Kairos" au "Chronos".

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Pour les Maisons de Luxe qu’est-ce que cela induit ?

Elisabeth Soulié

Face à cette nouvelle génération qui habite le monde dans l’instant présent et au travers de ses émotions, les Maisons du luxe ont à nourrir un lien et une présence au quotidien, dans une approche presque "maternante", où les fans et clients auront réellement le sentiment d’être écoutés, considérés et chouchoutés. D’où l'importance du "Care" aujourd’hui dans les stratégies relationnelles, où l’on va prendre soin de l’autre et de sa communauté. 

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Et quelles sont les attentes de la Gen Z vis-à-vis du Luxe ? 

Elisabeth Soulié

Le Luxe génère toujours un sentiment de fascination auprès des jeunes mais cette génération a aussi un niveau d’exigence accru, où dorénavant une des conditions sine qua non pour qu’une Maison soit considérée est qu’elle respecte véritablement "le vivant" (hommes/ animaux et planète).  Par ailleurs, il y a aussi une certaine forme d’exigence à ce que le Luxe soit aujourd’hui plus accessible et non élitiste ou excluant. La marque peut ensuite être considérée comme moyen de construction et d’expression de son identité personnelle. Enfin, il y a  toujours cette notion de consommation en cohérence avec "sa tribu", où l’on va chercher à adopter de mêmes codes, dont vestimentaires. 

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