Sébastien Borget

Exclusif

« Le Luxe est profondément communautaire, ce qui se marie parfaitement avec les principes du Web3. » Sébastien Borget, The Sandbox.

Publié le par Journal du Luxe

Focus exclusif sur le dernier Hors-Série "IA, Web3 et Luxe : au cœur d’une (R)évolution technologique" du Journal du Luxe avec un extrait de l'entretien mené avec Sébastien Borget, Cofondateur & COO de la plateforme de jeu communautaire The Sandbox.

Journal du Luxe

The Sandbox est une plateforme métaverse de renommée internationale. Récemment, vous avez annoncé plusieurs initiatives liées à l’IA pour divers cas d’utilisation. Pourriez-vous nous éclairer sur les raisons qui vous ont incité à explorer les potentialités de l’IA et à envisager son intégration au sein de The Sandbox ?

Sébastien Borget

Il existe trois grands axes directeurs qui se dégagent des réalisations déjà accomplies par The Sandbox dans le domaine des expérimentations liées à l’IA. Cependant, permettez-moi de fournir préalablement quelques éléments de contexte avant de les exposer. À ce jour, The Sandbox demeure une plateforme en version bêta qui se prépare à s’ouvrir prochainement à tous les créateurs. Notre objectif est que, d’ici la fin du troisième trimestre de l’année 2023, tout propriétaire d’un terrain virtuel puisse publier des expériences métaverses sur notre plateforme, entraînant ainsi mécaniquement une augmentation du trafic et du nombre d’utilisateurs. Nous aspirons à offrir aux utilisateurs la possibilité de découvrir de nouveaux contenus, tout en ambitionnant de faire croître l’audience du métaverse en diversifiant la communauté des acteurs présents et en élargissant les opportunités de création. Jusqu’à présent, il est apparu évident que The Sandbox et le métaverse en général sont largement associés à des marques spécifiques, alors que notre vision a toujours été de donner pleinement le pouvoir aux communautés de créateurs. C’est grâce à ces communautés de créateurs que nous parvenons à alimenter la plateforme, et nous estimons que 99% du contenu sera UGC "User Generated Content", c’est-à-dire directement conçu par les utilisateurs de la plateforme. Si plusieurs centaines, voire milliers, de créateurs commencent à publier du contenu de qualité d’ici la fin de l’année, nous parviendrons davantage à établir un équilibre entre le nombre de visiteurs et la quantité de contenu disponible. Pendant plus d’un an maintenant, nous avons expérimenté différentes solutions centrées sur l’IA et plus spécifiquement sur l’intelligence artificielle générative. Nous sommes profondément convaincus que cette technologie peut apporter de multiples avantages. L’un d’entre eux consiste à rendre la création de contenu encore plus accessible, ce qui est parfaitement en accord avec notre mission depuis 2011, qui vise à conférer davantage de pouvoir aux créateurs. Nous cherchons à libérer l’imagination et à abaisser les barrières à la créativité car auparavant, pour concevoir un jeu, il fallait posséder des compétences en programmation et faire appel à des artistes. Désormais, tout est simplifié grâce à des fonctionnalités de type "drag and drop", éliminant ainsi la nécessité de maîtriser des langages informatiques complexes. Il suffit aux créateurs de fournir un prompt pour générer des avatars, des environnements, des espaces 3D, des bâtiments, et bien d’autres encore...

Journal du Luxe

Pouvez-vous nous exposer votre perception de la convergence du Web3 et de l’IA dans les prochains mois ? Au sein de The Sandbox, quelles grandes tendances identifiez-vous à ce sujet ?

Sébastien Borget

Nous pensons que l’évolution de l’IA aura un impact considérable sur la dimension en 3D, compte tenu des progrès significatifs de l’IA ces deux dernières années avec notamment la mise en open source de ses modèles dans les domaines du texte et de la 2D. Bien que les applications en 3D demeurent encore expérimentales, les résultats actuels sont jugés insuffisants pour une mise en production. Cependant, l’essor technologique étant particulièrement rapide de nos jours, il est indéniable que cette tendance se concrétisera dans les années à venir. Il est important de rappeler que toutes ces technologies sont initialement des outils. Il est crucial d’apprendre à les maîtriser afin de produire des résultats intéressants. Chaque outil apporte des transformations tant technologiques que sociales mais également dans les formats de divertissement et de contenu proposés. L’évolution de l’IA soulève aussi de grandes interrogations, notamment en matière de droits d’auteur. Il est extrêmement difficile de lutter contre un mouvement technologique d’une telle envergure, il convient alors de s’associer à ce mouvement pour en tirer profit. Les redevances accordées aux créateurs devraient constituer un élément central dans l’utilisation de l’IA. Lorsque l’IA parvient à reproduire les styles graphiques artistiques de créateurs originaux, il est légitime que ces créateurs originaux reçoivent des redevances. Mais la réalité me semble plus complexe que cela. Le créateur original n’a pas directement produit les nouvelles œuvres ou contenus générés par l’IA. Je pense donc qu’il existe un bénéfice mutuel entre l’humain et la machine et que l’arbitrage entre les deux devra évoluer au fur et à mesure de notre usage de la technologie.

Journal du Luxe

Quelle est votre perception de l’évolution des marques de Luxe dans les environnements virtuels ?

Sébastien Borget

Le secteur du Luxe est indéniablement particulier et captivant, cherchant constamment à se réinventer pour atteindre une audience plus jeune, à savoir la génération Z. Cette génération, moins habituée à fréquenter les magasins physiques et adoptant une consommation différente, possède une conception du Luxe radicalement distincte. La génération Z est davantage encline à investir dans des contenus numériques plutôt que dans des biens matériels et la perception de ce qui est valorisé a évolué. Ainsi, les marques se concentrent fréquemment sur l’expérience et l’expérimentation. Des études documentent aujourd’hui que la notion de Luxe ne réside pas seulement dans le produit lui-même, mais dans l’expérience qui l’entoure. Il est désirable non pas de posséder une Ferrari, par exemple, mais bien de la conduire. Si l’on prend l’exemple de certains objets comme les parfums ou bien des sacs à main, ce sont des produits associés à un style de vie. Le défi actuel est donc de déterminer comment transmettre la notion de Luxe dans des environnements virtuels en trois dimensions qui touchent cette génération Z dotée d’actifs numériques. Le Luxe est profondément communautaire, ce qui se marie parfaitement avec les principes du Web3. En tant que membres d’une communauté, nous apprécions une marque pour ses valeurs, ses expériences, sa créativité, son contenu et son histoire. Nous aimons faire partie de cette communauté en tant que détenteurs des biens en question. De manière générale, nous dépensons également beaucoup d’argent pour acquérir des produits d’une marque spécifique. Cela a un coût, mais en procédant ainsi, nous contribuons à maintenir la valeur des biens que nous achetons. Collectivement, nous soutenons le prix des biens que nous possédons, comme une communauté de NFTs qui le fait aussi bien dans le Web3. Il s’agit donc d’une notion de bouche-à-oreille intégrant une forte dimension communautaire, qui est présente dans cette industrie. Un autre point essentiel à noter concernant ce secteur est la collaboration fréquente avec des artistes. Il s’agit d’un domaine qui attache une grande importance au soutien artistique et qui contribue à la création d’une culture bien distincte. Bien que je soutienne souvent l’idée que 99% du contenu dans le métaverse sera généré par les utilisateurs, cette culture est néanmoins construite par des marques, notamment dans le secteur du Luxe. Ces marques peuvent inspirer des communautés entières de créateurs ainsi que leurs publics. De plus, elles peuvent servir de tremplin pour la découverte d’artistes digitaux, comme cela a été le cas avec Gucci Vault, par exemple. Gucci, en tant que pionnier, a lancé une expérience dans The Sandbox, suscitant un fort taux d’engagement et offrant la possibilité de découvrir son univers en utilisant des éléments de gamification. Pour citer un autre exemple, une grande Maison a récemment acquis un terrain virtuel dans The Sandbox pour l’utiliser en tant que plateforme créative "UGC" et "Community Driven". En fin de compte, le Luxe ne se résume pas uniquement à l’achat de produits. Il s’agit parfois de faire partie d’une communauté, de participer à des événements et de bénéficier d’une forme de reconnaissance et d’appartenance liée à ces produits. Comme je l’ai mentionné précédemment, cela s’harmonise particulièrement bien avec le Web3 et le métaverse, car lorsque l’on détient un NFT, toute la logique de ce que l’on appelle l’ORM (Object Relationship Management) prend le pas sur le CRM (Customer Relationship Management) et devient bien plus puissante. L’ORM, rendu possible grâce aux NFTs, permet de cartographier les utilisateurs avec les différents actifs numériques qu’ils possèdent, facilitant ainsi la proposition de contenu personnalisé. Auparavant, dans le Web2, les marques ne pouvaient pas contrôler leurs audiences sans disposer d’une adresse e-mail ou d’un point de contact nécessaire. Elles devaient donc constamment payer des plateformes pour accéder à leurs communautés, en quelque sorte. Dans le Web3, une fois qu’un drop de NFT a été effectué, même gratuitement, cela devient un outil précieux pour les marques. Il leur permet d’établir un lien direct avec leur public et de le maintenir grâce à différentes activations, à la vente de produits physiques, etc.

La suite de l'interview, l'intégralité du Hors-Série ainsi que le replay du Webinar "IA & DATA" sont 

à télécharger ici

par Journal du Luxe