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Rebond de l’horlogerie haut de gamme : la dynamique risque-t-elle de s’essouffler en fin d’année ?

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Post-COVID, l’industrie de la haute horlogerie a connu un fort rebond en 2021, qui s’est confirmé sur le premier semestre 2022, entretenu à la fois par une tension sur la production et une demande qui ne faiblit pas. Rien de tel que la rareté pour entretenir le désir…

Les raisons du rebond.

"La haute horlogerie n’a pas été épargnée par la crise sanitaire. A l’instar des autres industries du luxe, elle connaît un fort rebond, surtout depuis 6 à 9 mois" explique Olivier Müller, journaliste expert en horlogerie. En effet, si l’on prête attention aux statistiques d’exportations publiées tous les mois par la Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse (FIHS), la tendance "très favorable affichée depuis le début de l’année par les exportations horlogères suisses" se poursuit. "Avec une croissance de 8,3% par rapport à juillet 2021, leur valeur s’est établie à 2,2 milliards de francs, soit le plus haut niveau mensuel après le record d’octobre 2014".

Plusieurs phénomènes expliquent cette santé au beau fixe selon Olivier Müller. La première, "l’injection d’un haut niveau de liquidités sur les marchés, dans le cadre des différents plans de relance, qui ont nourri l’appétit des investisseurs et industriels bénéficiaires de ces aides. Rien qu’au niveau de l’Europe, ce sont 2000 milliards d’euros qui ont été mobilisés". La seconde s’explique par le fait que dans un contexte de crise, les grandes fortunes cherchent à réaliser des investissements accessibles, qui rapportent beaucoup, à des taux très élevés et à intérêts très courts. Et en la matière, l’horlogerie de luxe fait office d’eldorado. "Une montre de luxe s’achète facilement, se stocke dans un coffre, ne se déclare pas et passe toutes les frontières au poignet".

Un argument de poids, qui n’a pas échappé aux connaisseurs qui misent sur le trio formé Patek Philippe, Rolex et Audemars Piguet, des maisons qui affichent des taux de croissance à deux chiffres. Dernier élément à prendre en compte : la vitalité des horlogers en matière d’innovation. "La croissance du secteur ne peut se justifier uniquement par le regain d’intérêt des consommateurs. Il faut reconnaître aux fabricants, et notamment aux indépendants comme Czapek ou Philippe Dufour, un atout créatif qui entretient la désirabilité pour ce segment" précise Olivier Müller. Il faut dire que la crise s’est révélée être un formidable espace de dialogue pour les maisons de luxe. Selon Paul Miquel, journaliste spécialisé dans le segment de l’horlogerie et rédacteur en chef du magazine Montre Heroes, "les consommateurs ont utilisé ce temps pour mieux comprendre l’univers du luxe, et approfondir leurs recherches en amont de la phase d’achat. De leur côté, les maisons en ont profité pour se recentrer sur leurs icônes, à l’instar d’Audemars Piguet, qui fait des 50 ans de l’emblématique Royal Oak (1972) une occasion de communication très puissante qui s’échelonne sur l’année entière".

Un marché porté par une demande dynamique.

Si les confinements successifs ont pu accentuer les tensions sur la production, le déséquilibre entre l’offre et la demande s’explique avant tout par la volonté des horlogers de nourrir la désirabilité de leurs montres. "Et cela passe par le rationnement des points de vente couplé à une production très limitée. On estime que Rolex produit 1 million de pièces par an, Audemars Piguet 50 000 et Patek Philippe 62 000, des volumes qui mécaniquement ne suffisent pas à absorber la demande" insiste l’expert. Un déséquilibre que l’on retrouve aussi chez les labels indépendants comme MB&F, URWERK, De Bethune ou encore CZAPEK.

Dans ce contexte, l’acte d’achat devient une façon de répondre à une pulsion de consommation. "Alors qu’auparavant, le client pouvait se poser la question d’investir dans une grande complication chez Patek Philippe à 1,2 million d’euros ou dans une Richard Mille à 600 000€, la rareté des pièces justifie à elle seule l’achat, tant il est difficile de mettre la main sur ces montres de luxe". Dans le viseur des acheteurs, on retrouve aussi bien des modèles des grandes maisons comme la Patek Philippe Nautilus cadran bleu, la Rolex Daytona, mais aussi des montres signées François-Paul Journe ou Kari Voutilainen chez qui les listes d’attente s’étirent sur plusieurs années. Pour les mois à venir, Olivier Müller table sur le maintien de cette tendance haussière, même si celle-ci devrait légèrement s’infléchir en raison du contexte économique et géopolitique. Un constat partagé par Paul Miquel, journaliste spécialisé dans le segment horlogerie, pour qui les difficultés du marché chinois lié à la stratégie zéro COVID, cumulé au déclin du marché Hongkongais, risque de pénaliser à terme un marché très sino-dépendant. "Il y a toutefois une bonne nouvelle, le retour en force du marché américain, qui permet aux horlogers de compenser la diminution de la demande asiatique".

RSE et seconde-main, les défis à relever.

Outre le contexte économique qui se profile, quels sont les enjeux qui attendent les horlogers du segment haut de gamme ? Pour Paul Miquel, l’avenir passe irrémédiablement par le virage de l’éco-responsabilité. "Il y a quelques années, l’écologie ne concernait que les accessoires comme le bracelet ou l’écrin de la montre. Aujourd’hui, les questions du sourcing et de traçabilité conduisent à revoir l’ensemble des process de la supply chain, et donc à toucher au sacro-saint mouvement de la montre". De son point de vue, les lenteurs opérationnelles des fabricants sur ces questions ont créé un appel d’air pour les jeunes labels comme Awake Concept ou ID Geneve Watches, même si des marques statutaires comme Cartier, Panerai, Chopard ou Breitling affichent clairement leurs ambitions dans ce domaine. "Il est impératif que les grandes maisons prennent en marche le train de la RSE, au risque de se couper des millenials" insiste l’expert.

Autre marché délaissé par les horlogers ? La seconde main, où certaines références atteignent des prix stratosphériques. "À de rares exceptions près, les maisons n’ont jamais pris à bras le corps ce phénomène, de sorte qu’elles n’ont pas de mise sur la cote de leurs pièces sur le marché de l’occasion. Tout est quasiment géré par des opérateurs externes". Le journaliste, qui a eu accès à certains chiffres de plusieurs sites de revente de ce "marché gris" , confirme que des références de Patek Philippe Nautilus, Audemars Piguet Royal Oak ou encore Rolex Cosmograph Daytona, ont parfois pris plus de 150% d’augmentation ces deux dernières années avec un retournement brutal observé depuis le deuxième trimestre 2022. Des chiffres expliqués en partie par l’intérêt de spéculateurs qui ont flairé la bonne affaire. Une tendance qui devrait se tasser avec la remontée des taux. "La puissance de frappe de la haute horlogerie est basée sur une disproportion de sa valeur entre l’image perçue, bâtie grâce à d’importants investissements en marketing et communication, et la réalité du volume global de cette économie. En réalité, moins de 10 horlogers dépassent le milliard de chiffres d’affaires". Un décalage qui nourrit autant l’intérêt des passionnés, que l’appétit des investisseurs…

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